CAA de Bordeaux le 13/02/2025,
n° 22BX0311

Condamnation de l’Etat à verser 840 000 euros d’indemnités a une communauté d’agglomération pour carence dans la prise en charge de personnes exilées en hébergement d’urgence

Jurisprudence · Date de publication : 18/09/2025 · Date de modification : 01/12/2025

Droit à l'hébergement

Hébergement généraliste

La communauté d’agglomération du Pays Basque (CAPB) ayant mis en place à l’automne 2018 un dispositif d’hébergement d’urgence des personnes exilées, elle cherche à être indemnisée par l’Etat à hauteur de 840 000 euros, estimant qu’elle a dû se substituer à la puissance étatique pourtant compétente en matière d’hébergement d’urgence.

En première instance, le tribunal a considéré qu’« il ne résulte […] d’aucune disposition législative ou réglementaire que cet EPCI[1], qui n’est par ailleurs pas titulaire d’un pouvoir de police générale sur son territoire, […], avait l’obligation d’assurer ainsi cet hébergement d’urgence en cas de carence des autorités compétentes, et ce, bien qu’elle exerce la compétence optionnelle d’action sociale d’intérêt communautaire » [2].  La CAPB a fait appel du jugement.

Dans la présente décision, la CAA rappelle que les mesures d’aide sociale relatives à l’hébergement d’urgence de toute les personnes sans abri et en détresse sont en principe à la charge de l’Etat en vertu des articles L. 121-7 et L. 345-1 du code de l’action sociale et des familles – à l’exception des femmes enceintes et des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans relevant de la compétence du département sur le fondement de l’article L. 222-5 du même code.

Toutefois, la Cour infirme le raisonnement de première instance puisqu’elle soutient que cette compétence de l’Etat n’exclut pas l’intervention de la communauté d’agglomération, dès lors qu’elle exerce la compétence optionnelle « action sociale d’intérêt communautaire » sur le fondement de l’article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales. Cette intervention revêt un caractère supplétif et « n’impose pas à cet EPCI de prendre définitivement à sa charge des dépenses qui incombent à l’Etat »

Les deux arguments en défense de la puissance publique sont par ailleurs battus en brèche par la CAA. Ce dernier ne peut se prévaloir utilement de la circonstance que « ces migrants sans abri n’étaient qu’en transit ». De même, l’argument selon lequel « l’état de vulnérabilité » des personnes accueillies ne serait pas démontré par la CAPB n’est pas retenu.

Enfin, considérant que la communauté d’agglomération a suffisamment et précisément justifié son préjudice, la Cour décide de lui accorder les 840 000 euros demandés.


[1] Etablissement public de coopération intercommunale.

[2] Tribunal administratif de Pau, 2ème Chambre. Jugement du 18 octobre 2022, n° 2000455.

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