Conseil d'Etat le 22/12/2022,
n° 458724

Condamnation de l’Etat à verser Plus d’1 million d’euros au département du Puy-de-Dôme pour carence dans la prise en charge de familles en hébergement d’urgence

Jurisprudence · Date de publication : 20/08/2025

Droit à l'hébergement

Hébergement généraliste

Le département du Puy-de-Dôme souhaite voir condamner l’Etat à lui verser 1.7 M€. Il estime avoir subi un préjudice en raison de la prise en charge, de 2012 à 2016, des frais d’hébergement d’urgence de 200 familles en lieu et place de l’Etat. Dans cette décision, le Conseil d’Etat confirme l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon qui avait annulé le jugement du TA de Clermont-Ferrand et condamné l’Etat à verser au département requérant la somme de 1,2 M€. Après avoir exposé la répartition des compétences entre Etat et département en matière d’hébergement d’urgence, le CE rappelle le principe d’inconditionnalité d’accès aux dispositifs d’hébergement d’urgence, pour enfin caractériser la carence de l’Etat.

Sur la répartition des compétences

En vertu de l’article L. 222-5 du CASF, la prise en charge « des femmes enceintes et des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin, notamment parce qu’elles sont sans domicile, d’un soutien matériel et psychologique » relève de la compétence du département. Pour le reste, si d’après les dispositions des articles L. 222-2 et L. 222-3 du même code « les départements peuvent être amenés à prendre temporairement en charge l’hébergement de familles en difficulté », cette intervention conserve un caractère supplétif – les dépenses en la matière relevant de la compétence de l’Etat.

Sur le principe d’inconditionnalité d’accès aux dispositifs d’hébergement d’urgence

Les ressortissants étrangers qui font l’objet d’une OQTF ou dont la demande d’asile a été définitivement rejetée « n’ont, en principe, pas vocation à bénéficier du dispositif d’hébergement d’urgence ». Toutefois, l’article L. 345-2-2 du CASF dispose que « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence ». Ainsi, malgré une jurisprudence timorée à cet égard, il résulte de la loi – comme le rappelle le rapporteur public dans ses conclusions[1] – que « le droit à l’hébergement d’urgence […] est un droit universel » sans distinction tenant à la régularité du séjour.  

Sur la carence de l’Etat

Enfin, la Cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur en jugeant que la carence avérée et prolongée de l’Etat était caractérisée. Dans son arrêt, elle constate que les familles en difficulté n’ont pu obtenir de places au sein des dispositifs d’hébergement étatiques et que ces derniers étaient en saturation permanente sur toute la durée de la période litigieuse. En outre, en vertu de l’article L. 345-2 du même code, le préfet met en place un dispositif de veille sociale chargé d’accueillir et d’orienter les personnes sans abri – le SIAO. Dès lors, le ministre des solidarités et de la santé « ne peut sérieusement soutenir qu’il n’avait pas connaissance de la situation de ces familles faute de réitération par le département d’une demande formulée pour leur compte ».

L’hébergement d’urgence : une obligation de résultats

Malgré l’article L. 345-2-2 du CASF et la décision Fofana du 10 février 2012[1] consacrant le caractère de liberté fondamentale du droit à un hébergement d’urgence, celui-ci peine à être appliqué pleinement, l’Etat se défendant régulièrement en mettant en avant les moyens qu’il met en œuvre, pourtant inadaptés à la réalité des besoins. Pire, la jurisprudence timorée du Conseil d’Etat valide en partie un tel raisonnement[2]. Ainsi, M. Arnaud SKZRYERBAK – rapporteur public, rappelle l’Etat à ses responsabilités : au ministre soutenant que la cour aurait dû prendre en compte les diligences de l’administration, ses moyens et la situation individuelle du demandeur, il répond « tous les demandeurs en situation de détresse ont le même droit à l’hébergement d’urgence et l’Etat est tenu de tous les héberger, sans pouvoir se réfugier derrière une insuffisance de moyens dont il est responsable ».[3]

Pour aller plus loin :

Serge Slama, « Droit fondamental à l’hébergement d’urgence : dix ans de démantèlement jurisprudentiel », La Revue des droits de l’homme, 23 | 2023, mis en ligne le 14 février 2023, URL : http://journals.openedition.org/revdh/16438


[1] CE réf., 10 février 2012, Fofana, n°356456

[2] CE réf., 26 décembre 2022, n°469654, n°469675, n°469677, n°469680, n°469681, n°469678

[3] Voir l’ensemble dses conclusions du rapporteur public en suivant ce lien.


[1] Voir les conclusions en intégralité : Conclusions du rapporteur public_Puy de Dôme

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