Tribunal judiciaire, le 06/05/2024
Condamnation des gestionnaires de la résidence Font Del Rey pour avoir soumis des personnes vulnérables à des conditions d’hébergement indignes
Jurisprudence · Date de publication : 06/05/2024
Habitat indigne
TJ de Montpellier, chambre correctionnelle. Jugement du 15 novembre 2023, n° 2023/2905
Dans une affaire importante de lutte contre l’habitat indigne, quatre personnes morales et huit personnes physiques comparaissaient en matière correctionnelle devant le tribunal judiciaire de Montpellier pour répondre de plusieurs infractions délictuelles, à savoir des faits de (i) soumission de personnes – vulnérables ou en état de dépendance – à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine, (ii) risques causés à autrui et (iii) menaces ou actes d’intimidation.
Plus précisément, il était reproché à ces dirigeants d’avoir logé, entre 2016 et 2022, 82 locataires vulnérables (étrangers, avec des enfants, en situation de handicap) dans des logements dépourvus d’éclairage et d’aération, insuffisamment isolés, présentant des chauffages défectueux ou inexistants et des branchements électriques dangereux, des tâches de moisissure et d’autres désordres majeurs.
- La soumission de personnes – vulnérables ou en état de dépendance – à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine
Le tribunal rappelle d’une part que l’existence d’arrêtés d’insalubrité ou de procès-verbaux d’infractions au règlement sanitaire départemental (RSD) constituent des éléments pertinents pour apprécier la caractérisation du délit. D’autre part, il ajoute que si la caractéristique de minorité ou l’absence de nationalité française sont des critères permettant de considérer les personnes comme étant vulnérables ou en situation de dépendance, la preuve de la connaissance de cet état par le prévenu doit être rapportée par la poursuite pour que l’infraction soit caractérisée.
En l’espèce, le tribunal juge que les différents propriétaires bailleurs ne pouvaient ignorer l’état de l’immeuble, dès lors qu’ils étaient, en qualité de bailleur, débiteurs de plusieurs obligations particulières de sécurité imposées par la loi et le règlement.
Au regard de la condition de vulnérabilité ou de dépendance des locataires, le tribunal relève que l’état de la procédure permet de caractériser la vulnérabilité de 20 locataires, principalement en raison de la présence d’enfants mineurs. La connaissance de la vulnérabilité des locataires ne pouvait être ignorée par plusieurs des bailleurs, qui vivaient dans la résidence ou la visitaient régulièrement.
Le tribunal entre en voie de relaxe vis-à -vis de deux des personnes morales et d’une personne physique en considérant qu’il existe un doute quant à leur connaissance du caractère de vulnérabilité ou de dépendance des locataires, et entre en voie de condamnation contre deux des autres personnes morales et deux personnes physiques.
- L’infraction de risques causés à autrui (article 223-1 du code pénal)
Le tribunal la retient à l’encontre de trois personnes physiques et deux personnes morales, en considérant d’une part que les désordres constatés généraient des risques sérieux d’incendie voire d’explosion, et d’autre part que l’existence de ces risques et la volonté de ne pas y remédier était délibérée et manifeste.
- Les faits de menace ou acte d’intimidation
Le tribunal relaxe les prévenus, en estimant l’infraction insuffisamment caractérisée.
- Les peines prononcées
Le tribunal condamne les personnes morales à des peines d’amende allant de 20 000 à 50 000 euros, en prononçant la solidarité avec leurs représentants légaux, et les personnes physiques à des peines allant de 6 à 12 mois d’emprisonnement avec sursis.
- La constitution de parties civiles et leurs indemnisations
Enfin, le tribunal juge les constitutions de parties civiles de dix-huit locataires, de la commune de Montpellier, de l’association HABITER ENFIN ! et de la Fondation Abbé Pierre recevables et condamne les responsables à les indemniser de leurs préjudices respectifs.
Le dispositif ayant été frappé d’un appel par plusieurs des parties, l’affaire a vocation à être jugée de nouveau en 2024 par la cour d’appel de Montpellier.
TJ de Montpellier, chambre correctionnelle. Jugement du 15 novembre 2023, n° 2023 2905