TJ du Havre le 11/04/2025,
n° 566/2025
Condamnation pénale et civile de « marchands de sommeil » au Havre
Jurisprudence · Date de publication : 01/12/2025
Insalubrité et mise en sécurité
Le 11 avril 2025 comparaissent devant la chambre correctionnelle du tribunal judiciaire du Havre cinq prévenus (quatre personnes physiques et une personne morale), mis en cause dans une affaire d’habitat indigne (portes enfoncées, infestations de nuisibles, état de dégradation avancée des appartements, méconnaissance des normes de sécurité incendie…) ayant pris place entre les mois d’octobre 2023 et février 2025.
Sur l’action publique :
- Concernant la gérante de droit de la SCI propriétaire de l’immeuble litigieux :
- Elle est déclarée coupable pour les faits de :
- Soumission des locataires, personnes vulnérables ou dépendantes (personnes « isolées ou fragiles du fait de leur histoire de vie » ou faisant l’objet d’une mesure de curatelle ou tutelle), à des conditions indignes d’hébergement (cf. CP, art. 225-14) ;
- Exécution d’un travail forcé par dissimulation d’emploi salarié (pour avoir embauché un locataire sans le déclarer, pour qu’il se charge de l’entretien des parties communes, en le rémunérant 80€ par mois).
- Elle est condamnée à un emprisonnement délictuel de douze mois assorti du sursis probatoire pendant vingt-quatre mois, période pendant laquelle elle sera soumise aux mesures de contrôle de l’article 132-44 du code pénal, en plus des obligations et interdictions mentionnées aux 5°, 6°, 9° et 13° de l’article 132-45 du même code. Cette peine est prononcée avec l’exécution provisoire et une amende de 10 000€.
- Au titre des peines complémentaires, la dirigeante a l’interdiction, pendant dix ans, de gérer une société ainsi que d’acheter un immeuble à usage d’habitation ou un fonds de commerce d’un établissement recevant du public
- Elle est déclarée coupable pour les faits de :
- Concernant son fils, le gérant de fait de la SCI :
- Premier contact des locataires, il est déclaré coupable pour les faits de :
- Soumission de ses locataires, personnes vulnérables ou dépendantes à des conditions indignes d’hébergement ;
- Exécution d’un travail forcé par dissimulation d’emploi salarié ;
- Extorsion par violence, menace ou contrainte de la perception de loyers impayés d’un de ses locataires (en lui portant des coups) ;
- Violences ayant entraîné une incapacité de travail n’excédant pas huit jours, en récidive, pour avoir porté un coup à une locataire qui avait tenté de s’interposer lors de l’extorsion ;
- Détention non autorisée d’une arme de catégorie B (revolver) ;
- Port d’une arme en violation d’une interdiction judiciaire, en récidive.
- Il est condamné à un emprisonnement délictuel de trente-six mois, à hauteur de dix-mois assortis du sursis probatoire pendant vingt-quatre mois, période pendant laquelle il sera soumis aux mêmes mesures de contrôle et obligations que sa mère. Il sera maintenu en détention pour la partie ferme de son emprisonnement. Le tribunal l’a également condamné à une amende de 10 000€ et à une autre amende de 500€ pour les faits de violences.
- Le tribunal a assorti ces peines des mêmes peines complémentaires prononcées à l’encontre de sa mère, auxquelles est ajoutée l’interdiction décennale de détention ou port d’une arme soumise à autorisation.
- Premier contact des locataires, il est déclaré coupable pour les faits de :
- Concernant les deux autres prévenus personnes physiques :
- Voisins poursuivis pour les faits de complicité d’extorsion (en ayant maintenu un locataire pendant son agression physique), ils sont tous les deux relaxés au bénéfice du doute, au regard de la contradiction entre les témoignages.
- Concernant la SCI, personne morale :
- Elle est déclarée coupable des mêmes faits que la gérante de droit.
- Elle est condamnée au paiement d’une amende de 50 000€. La confiscation de l’immeuble litigieux a été jugée disproportionnée « au regard de l’absence d’avertissements suffisamment contraignants notifiés » à la société et « de ses efforts qu’elle effectue depuis deux mois pour améliorer la situation des locataires ».
- En revanche, le tribunal l’a également condamnée à l’affichage de sa décision sur la porte de l’immeuble litigieux, pendant deux mois, et à la diffusion de cette décision via sa publication au sein d’un journal local, à ses propres frais.
Sur l’action civile :
- Le tribunal a donné acte de l’intervention volontaire de deux des parties civiles
- Il a déclaré recevable les constitutions de partie civile de sept locataires (trois d’entre eux étant non comparants lors de l’audience)
- Reconnus solidairement responsables des préjudices subis par les parties civiles, le gérant de fait et la gérante de droit, en son nom personnel et en qualité de représentante légale de la SCI, sont condamnés, à titre provisoire, à payer 1500€ respectivement à six des parties civiles au titre de la réparation du préjudice moral et à payer la somme globale de 2000€ à cinq des parties civiles au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.
Concernant les intérêts civils, l’affaire est renvoyée à l’audience du 22 janvier 2026 devant la chambre des intérêts civils du tribunal.

