CA de Paris le 11/12/2024,
n° 2102683

Confirmation partielle d’un jugement de première instance condamnant des bailleurs pour soumission de personnes vulnérables à des conditions d’hébergement indignes

Jurisprudence · Date de publication : 18/09/2025 · Date de modification : 01/12/2025

Condamnation pénale

Habitat indigne

Le 11 décembre dernier, la cour d’appel de Paris (la CA) a rendu un arrêt constituant le deuxième volet d’une grande affaire de lutte contre l’habitat indigne menée par de nombreux locataires victimes qui se sont constitués partie civile, aux côtés du Syndicat des copropriétaires de l’immeuble en cause, de la Fondation pour le Logement des Défavorisés et de la Ville de Paris.

Pour rappel, le TJ de Paris avait rendu son jugement le 10 mars 2021[1].

En seconde instance, les juges d’appel sont revenus sur l’ensemble de ce jugement et ont prononcé sa confirmation partielle, infirmant un certain nombre de ses conclusions et allégeant les peines prononcées, tant à l’encontre des prévenus personnes physiques que des prévenus personnes morales.

Ces infirmations sont notamment dues à la nouvelle délimitation faite par la cour du champ d’application de l’arrêté de péril pris par la préfecture de Paris le 21 août 2012 et qui conditionne la caractérisation de certaines infractions reprochées en l’espèce. La CA a considéré que la circonstance selon laquelle les copropriétaires se sont vus adresser l’arrêté de péril n’emporte pas extension de son périmètre. Il énonçait clairement la localisation des travaux prescrits, sans mentionner les parties communes de l’immeuble et délimitant ainsi son champ d’application aux deux seuls logements qu’il visait expressément.

Ainsi, lorsque l’un des logements en cause n’entrait pas dans le champ de cet arrêté de péril ou de l’un des arrêtés d’insalubrité pris postérieurement pendant la période de prévention, la présomption d’indignité n’était plus applicable et la charge de la preuve de ce caractère insalubre revenait aux locataires qui l’alléguaient, en plus de celle de leur état de dépendance ou de vulnérabilité. A l’exception des logements visés par de tels arrêtés, la cour d’appel a donc infirmé les déclarations de culpabilité du chef de soumission de personnes, dont certaines mineures, vulnérables ou en état de dépendance à des conditions d’habitat indignes et du chef de location ou mise à disposition de mauvaise foi de local vacant menaçant ruine. Concernant les logements visés par cet arrêté ou par un arrêté d’insalubrité, la CA a également infirmé le jugement à chaque fois qu’il a caractérisé l’infraction de perception de loyers pour l’occupation d’un local visé par une mise en demeure ou une injonction pour insalubrité, dangerosité ou suroccupation alors que la cessation des paiements a eu lieu antérieurement à la date légale de cessation des versements de loyers. A noter que la suspension du paiement de loyers ne pouvait être admise dès lors que les logements en cause n’avaient pas fait l’objet d’un arrêté.

Plus encore, la CA a infirmé le jugement qui a déclaré les prévenus coupables du chef de menaces ou actes d’intimidation en vue de contraindre à renoncer au droit à un relogement ou à un hébergement décent dès lors que le « comportement particulièrement colérique » d’un des prévenus personnes physiques n’a pas été suffisamment établi (manque d’éléments matériels corroboratifs) ou dès lors qu’il n’a pas été prouvé que les menaces avaient pour but de contraindre les occupants à renoncer à leur droit.

Cependant, la CA, qui a confirmé la qualité de gérant de fait des SCI d’un des prévenus, a retenu et confirmé la responsabilité pénale de ce dernier et des personnes morales pour le compte desquelles il agissait.

Au vu de tous ces éléments, la CA a baissé le quantum de la peine d’emprisonnement du gérant de fait pour le fixer à 18 mois dont 12 mois assortis d’un sursis probatoire de 2 ans. La partie ferme de cette peine a été aménagée et la CA a renvoyé au juge de l’application des peines le soin de fixer la mesure d’aménagement la mieux adaptée. Les peines d’amende et d’interdiction professionnelle ont quant à elles été confirmées.

Par ailleurs, la CA a infirmé la dissolution des SCI en ce qu’elles n’auraient pas été créées dans le but de commettre les infractions en cause. Elle a considéré la confiscation intégrale des 39 logements des SCI comme constitutive d’une atteinte disproportionnée à leur droit de propriété, dès lors que ce ne sont que 12 de ces logements qui auraient servi à la commission des faits. Seuls ceux-ci sont donc visés par la peine complémentaire de confiscation. Enfin, l’amende de 500 000 euros prononcée à l’encontre de la SA a été baissée à 100 000 euros. Celle-ci s’est vu interdire d’exercer l’activité sociale de gestion immobilière pendant 5 ans à titre complémentaire et la CA a également confirmé la peine d’affichage.

Pour conclure, concernant l’action civile, la CA a confirmé la recevabilité de la constitution partie civile de la Ville de Paris, de la Fondation pour le Logement et du Syndicat des copropriétaires de l’immeuble. Elle a cependant quelque peu modulé les sommes dues par les personnes morales et les personnes physiques ainsi condamnées.


[1] Voir la décision sur le site de Jurislogement : https://jurislogement.org/la-condamnation-de-bailleurs-ayant-soumis-leurs-locataires-a/.

Jurisprudence associée

© Jurislogement 2024
Avec le soutien de
X