Conseil d'EtatTribunal administratif, CE - TA Lyon -TA Paris - TA Orleans - TA Strasbourg - TA Lyon le 12/02/2012, n° 1203433 - 1203420 - 1203439 -1203439356456 - 1202899 - 1200756 - 1201785 - 1201991 - 1201993 - 1201995 - 1202327 - 1203229 - 1203423 - 1203464 - 1201139 -1202241 - 1201650 - 1202684
Droit à un hébergement d’urgence consacré comme liberté fondamentale
Jurisprudence · Date de publication : 12/12/2012 · Date de modification : 14/03/2023
Droit à l'hébergement
CE, réf., 10 février 2012, Fofana c/ Ministre des solidarités et de la cohésion sociale, n°356456
Dans un arrêt historique, le Conseil d’État consacre le droit à l’hébergement d’urgence des personnes sans-abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale comme une nouvelle liberté fondamentale au sens de l’article L.521-2 du code de justice administrative.
Il considère « qu’il appartient aux autorités de l’État de mettre en œuvre le droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique et sociale ; qu’une carence caractérisée dans l’accomplissement de cette tâche peut, contrairement à ce qu’a estimé le juge des référés de première instance, faire apparaître, pour l’application de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée ; qu’il incombe au juge des référés d’apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l’administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l’âge, de l’état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée. »
>> Outre, la contestation d’une décision de non maintien dans une structure d’hébergement d’urgence par le référé-suspension (voir décisions précédentes TA Lyon 7 avril 2011 et 1er mai 2010), les personnes lésées dans leur droit peuvent dorénavant saisir le juge administratif d’un référé-liberté lorsque l’État ne met pas à leur disposition un hébergement d’urgence. Il ne s’agit plus de contester une décision administrative contrevenant à la législation mais un comportement passif ou actif du représentant de l’État dans le département (celui-ci étant responsable du dispositif de veille sociale – article 345-2 CASF) ne permettant pas aux personnes le nécessitant d’accéder à leur droit à un hébergement d’urgence. Le juge administratif, qui doit délibérer dans les 48 heures, apprécie souverainement l’urgence de la situation et l’atteinte à la liberté fondamentale (à la différence du référé-suspension où le juge doit délibérer dans un « délai raisonnable »).
Les premières décisions des tribunaux administratifs semblent véritablement protéger les personnes. Toutefois, on regrette parfois l’interprétation par le juge du référé-liberté qui applique strictement la vision cumulative de l’article L. 345-2-2 du CASF concernant la « situation de détresse médicale, psychique et sociale ».
Toutefois, la non reconnaissance par le juge de l’atteinte à la liberté fondamentale ne revient pas à ôter à la personne son droit à un hébergement d’urgence. Elle peut saisir le tribunal administratif dans le cadre d’un référé-suspension ou d’un recours en excès de pouvoir contre une décision administrative de non hébergement (voir TA Lyon, 6 avril 2012, n°1202243 ).
Commentaires de cet arrêt:
> Marion Jenkinson, « Consécration de l’hébergement d’urgence et des personnes sans-abri en situation de détresse comme liberté fondamentale dans le cadre du référé-liberté », in Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 15 janvier 2012.
Dans les affaires suivantes, la consécration du droit à l’hébergement d’urgence comme liberté fondamentale a permis aux requérants de faire valoir ce droit devant le juge des référés en extrême urgence (le juge statue dans un délai de 48h).
TA Paris, 20 février 2012, n°1202899 ; TA Orleans, 1 mars 2012, n°1200756.pdf ; TA Lyon, 19 mars 2012, n°1201785 ; TA Lyon 28 mars 2012, n°1201991-1201993-1201995 ; TA Lyon, 11 avril 2012, n°1202327 ; TA Lyon, 19 mai 2012, n°1203229 ; TA Lyon, 26 mai 2012, n°1203423 ; TA Lyon, 31 mai 2012, n°1203464 ; TA Caen, 4 juin 2012, n°1201139 ; TA Lyon, réf., 6 avril 2012, n°1202241; TA Strasbourg, 19 avril 2012, n°1201650 ; TA Lyon, 25 avril 2012, n°1202684
Dans ces ordonnances, le juge des référés considère que l’absence de réponse de l’État à des demandes d’hébergement d’urgence porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit à l’hébergement d’urgence comme liberté fondamentale. La carence de l’État, face à l’obligation qui lui incombe de mettre en Å“uvre ce droit reconnu par la loi, est caractérisée. En l’espèce, la composition familiale des requérants (jeunes enfants) et leur état de santé (physique et/ou psychologique) justifiaient la prise en charge d’urgence dans un hébergement.
Dès lors, le juge enjoint au préfet d’indiquer un lieu d’hébergement à ces familles dans un délai allant de 24 à 96 heures et sous astreinte par jour de retard, pouvant aller dans certains cas jusqu’à 125 euros.
TA Lyon, 25 mai 2012, n°1203420 ; TA Lyon, 31 mai 2012, n°1203439
Dans ces ordonnances, le juge des référés considère que le représentant de l’État ne pouvait pas faire cesser l’hébergement des familles sans autre solution de substitution.
D’autre part, le juge rappelle l’obligation de résultat qui incombe à l’État dans les cas où les demandes d’hébergement des requérants avaient au préalable été reconnues comme prioritaires par la commission de médiation dans le cadre d’un recours DALO et assorties d’une astreinte d’exécution ordonnée par le juge lorsque l’hébergement dans le cadre du plan hivernal s’achèverait.
TA Lyon, 26 mai 2012, n°1203433
Les requérants saisissent le juge d’un référé-liberté au regard de l’atteinte grave portée à leur droit à l’hébergement d’urgence. Dans cette espèce, tout en reconnaissant l’atteinte à la liberté fondamentale, le juge rappelle que la décision rendue par la commission de médiation est définitive et oblige l’État à héberger les demandeurs, même s’ils n’ont pas saisi dans les délais impartis le juge administratif pour constater l’absence de réalisation par l’État de cette décision (à la différence des ordonnances du 25 mai et 31 mai 2012, voir ci-dessus).