Défenseur des droits, Défenseur des droits le 24/01/2022, n° 2022-004

LA SUPPRESSION DE L’OBLIGATION D’ENVOI PAR LRAR DE LA NOTIFICATION DE L’AMENDE FORFAITAIRE DELICTUELLE EN CAS D’INSTALLATION ILLICITE SUR LE TERRAIN D’AUTRUI VIOLE PLUSIEURS DROITS FONDAMENTAUX

Jurisprudence · Date de publication : 02/12/2022 · Date de modification : 07/03/2023

Occupation d'un terrain sans titre

Décision du Défenseur des droits du 24 janvier 2022, n°2022004

L’association protestante des amis des tziganes a saisi la Défenseure des droits au sujet du décret n°20211093 du 18 août 2021 supprimant à l’article D454 du code de procédure pénale l’obligation d’envoi par lettre recommandée de la notification de l’amende forfaitaire délictuelle. Cet article prévoit désormais l’envoi de l’avis d’infraction par lettre simple. Le délit d’installation illicite sur le terrain d’autrui (article 32241 du code pénal) est concernée.

Les dérogations aux principes généraux de la procédure pénale induits par la procédure de l’amende
forfaitaire délictuelle.

La procédure d’amende forfaitaire délictuelle est une procédure dérogatoire selon laquelle l’officier du ministère public, lorsqu’il constate la commission d’un délit, adresse un avis d’infraction sans procédure contradictoire. C’est à la personne concernée de contester cet avis afin d’avoir accès à une procédure contradictoire. L’amende forfaitaire délictuelle déroge donc à plusieurs principes de droit pénal et de procédure pénale parmi lesquels l’individualisation des peines, la présomption d’innocence ou encore le principe du contradictoire et les droits de la défense.

La Défenseure des droits rappelle que ces exceptions aux principes de la procédure pénale sont admis
uniquement pour les infractions de faible importance qui peuvent être constatées de manière purement matérielle et qui font l’objet d’une sanction légère. Or, en l’espèce, l’amende peut être fixée jusqu’à 3
000 euros (articles 49517 et 13113 du code de procédure pénale).
La Défenseure des droits estime également, comme le Conseil constitutionnel
[2], que ce délit devrait exiger la caractérisation d’un élément intentionnel, la personne poursuivie n’étant pas nécessairement en mesure de savoir qu’elle n’avait pas le droit d’occuper le terrain concerné.

L’atteinte aux droits de la défense, au droit à l’accès au juge et au droit au recours juridictionnel effectif

L’envoi de l’avis d’infraction par lettre simple ne permet pas de garantir sa réception par l’intéressé qui peut toutefois faire l’objet d’un recouvrement puis d’une exécution forcée, l’envoi faisant courir les délais de paiement et de contestation. Cela porte atteinte au droit d’accès à un tribunal concret et effectif.

La prescription des délits est de 6 ans. L’envoi par lettre simple de l’avis d’infraction ne permet pas de
s’assurer de sa bonne réception par le destinataire qui peut légitimement avoir changé d’adresse et donc ne jamais l’avoir reçu.

L’incompétence du pouvoir réglementaire

L’article 34 de la Constitution confie au législateur le pouvoir de fixer les normes concernant les crimes, les délits, la procédure pénale et les garanties procédurales. Le pouvoir exécutif n’avait pas le pouvoir de prendre une telle mesure.

Des dispositions discriminatoires

Cette procédure, qui contrevient au droit à un procès équitable, s’applique spécifiquement aux «
gens du voyage » créant une discrimination indirecte et une violation combinée des articles 6 et 14 de la CESDH

Décision du Défenseur des droits du 24 janvier 2022, n°2022-004

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