Défenseur des droits, DDD le 12/12/2018, n° 2018-286

Remise en cause de la possibilité d’expulser en cas de flagrant délit

Jurisprudence · Date de publication : 25/02/2019 · Date de modification : 07/03/2023

Occupation d’un bâtiment sans titre

DDD, 12 décembre, n°2018-286

Treize personnes occupent une maison destinée à la destruction. A la suite de l’appel téléphonique du propriétaire, la commissaire de police donne l’ordre de procéder à l’expulsion des occupants. Le Défenseur des Droits est saisi.

Dans la lignée de sa décision du 8 mars 2018, le Défenseur des Droits estime qu’au-delà de la procédure civile d’expulsion prévue à l’article L. 411-1 du CPCE, seules deux procédures administratives permettent l’intervention du concours de la force publique pour expulser des habitants : l’une, applicable en cas d’introduction et de maintien dans le domicile à l’aide de manÅ“uvres, menaces, voies de fait ou de contrainte (article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement), l’autre lorsqu’il y a péril pour les occupants. Selon le Défenseur des Droits, « Il convient de dissocier ces procédures de la procédure pénale visant à réprimer le comportement des occupants en cas de violation de domicile ou de dégradation de biens… (…). En effet, le constat de ces infractions peut entraîner des interpellations, mais la procédure pénale ne peut en aucun cas constituer un mode d’expulsion. Â»

 En l’espèce, il estime que : Â« l’éviction à laquelle il a été procédé ne relève pas des pouvoirs de la police judiciaire, même en cas de flagrance Â». Il constate également que le procureur de la République n’a pas été informé de l’éviction, alors que lorsque la police vient à constater une infraction flagrante, elle doit en tenir avisée immédiatement le procureur.

En conséquence, le Défenseur des Droits conclut à l’illégalité de l’intervention et au manquement de la commissaire de police aux dispositions de l’article R.434-2 du Code de la sécurité intérieure définissant le cadre général de l’action de la police et de la gendarmerie nationale. Il recommande des poursuites disciplinaires et sollicite également la rédaction d’une instruction visant à rappeler  le cadre des expulsions ou évacuation des lieux habités ainsi que leur diffusion large auprès des forces de l’ordre.

ZOOM :

Cette décision reprend la décision du Défenseur des Droits du 8 mars 2018 relative à un cas d’espèce similaire. Saisi de faits de violences commis à l’occasion de l’évacuation d’un local par des policiers, il avait précisé que la procédure pénale ne peut en aucun cas constituer un mode d’expulsion. La décision du préfet d’accorder le concours de la force publique, à la suite d’un dépôt de plainte pour la dégradation volontaire de biens, avait été déclarée illégale.

Ces décisions peuvent être mises en parallèle avec les décisions du TGI de Nanterre du 13 août 2018 (n°18-01702) et du TGI de Lille du 6 février 2018 ( n°17012776) qui avaient rappelé que l’expulsion de cabanes ne peut intervenir qu’en application de l’article 38 de la loi du 5 mars 2007 ou d’une décision de justice. Sans respect de ces règles, l’expulsion constitue une voie de fait caractéristique d’un trouble manifestement illicite.

 

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