TA de Marseille le 28/10/2024,
n° 2410095
Suspension du refus de prise en charge : la limitation des moyens matériels de l’Etat, un moyen inopérant
Jurisprudence · Date de publication : 18/09/2025 · Date de modification : 01/12/2025
Droit à l'hébergement
Hébergement généraliste
Le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a été saisi d’un référé-suspension (CJA, L. 521-1) par deux époux, ressortissants étrangers, qui ont été expulsés de leur logement à la suite du jugement du 16 mai 2023 du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Marseille. Ils arguent ainsi que la décision implicite de refus du préfet des Bouches-du-Rhône de leur proposer une orientation vers un hébergement adapté méconnaît leur droit, constituant un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité dudit acte.
Le juge des référés a constaté l’absence de solution d’hébergement des requérants malgré leurs appels au 115. La condition d’urgencede leur situation de précarité est ainsi jugée remplie, au vu notamment de sa durée et de l’âge des demandeurs. Plus encore, le juge a considéré que le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision du préfet, du droit à l’HU issu de l’article L. 345-2-2 CASF est effectivement de nature à faire naître un doute sérieux quant à sa légalité.
Par ailleurs, le juge des référés a jugé de nombreux moyens en défense inopérants. Le préfet ne pouvait utilement se prévaloir, ni des dispositions issues de l’article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2005[1], ni des dispositions issues de l’article L. 233-1 CESEDA. Il ne pouvait pas non plus se prévaloir de la limitation des moyens de l’Etat, circonstance « sans incidence sur la légalité d’un refus d’HU opposé par l’Etat » à une personne qui en remplit les conditions d’octroi, en cas de référé-suspension. En effet, cette circonstance permet simplement au juge d’apprécier si la carence de l’Etat dans la mise en œuvre du droit à l’HU constitue une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, compte tenu des conséquences graves qu’elle est susceptible d’entraîner pour la personne en cause et ce, dans le cadre d’un référé-liberté.
La suspension de l’exécution du refus de proposer un HU aux requérants a ainsi été prononcée. Il a été enjoint au préfet d’orienter le couple vers un tel dispositif, dans un délai de 48 heures et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en l’absence de toute impossibilité dûment justifiée par le préfet (l’HU des requérants n’étant pas matériellement impossible et alors que l’Etat a l’obligation d’accomplir toutes les diligences nécessaires pour mettre effectivement en œuvre le droit à l’HU pour toute personne répondant aux conditions de l’article L. 345-2-2 du CASF).
[1] Directive relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.

