, TGI Béthunes le 12/10/2016, n° 1600170

Rejet d’une demande d’expulsion de personnes vulnérables

Jurisprudence · Date de publication : 28/03/2017 · Date de modification : 07/03/2023

Occupation d'un terrain sans titre

TGI Béthunes, 12 octobre 2016, n°1600170

La mairie et des propriétaires privés assignent en référé des occupants sans titre de terrains, afin que le juge ordonne leur expulsion.

Le juge considère que dans cette situation, le caractère d’urgence ne peut être retenu, dès lors que les occupants sont installés sur le terrain depuis longtemps et que des associations humanitaires sont présentes pour lutter contre les conditions de précarité. De plus aucun projet n’est mis en avant par la commune ou les propriétaires privés pour justifier l’urgence de libérer les lieux.

Pour apprécier le trouble manifestement illicite et le dommage imminent qui résultent de l’occupation des lieux, le juge se soumet à un contrôle de proportionnalité pour apprécier si la mesure d’expulsion est justifiée, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme.

Dans le cadre d’observations à l’audience, le Défenseur des droits rappelle la nécessité de respecter le principe de dignité humaine en s’assurant que les personnes expulsées pourront bénéficier d’une solution alternative de relogement et de mesures globales d’accompagnement.

Le juge relève que « les conditions de vie, s’il est indéniable qu’elles restent difficiles et précaires, sont néanmoins encadrées a minima et leur permettent notamment d’accéder à de nombreux soins qui, s’ils étaient expulsés, ne seraient plus garantis. » De plus, le juge n’a pas connaissance de troubles liés à l’ordre public depuis plusieurs années, ni de plaintes de riverains.

Le juge conclut que la mesure d’expulsion sollicitée ne respecte pas l’article 8 de la CEDH puisqu’elle met en jeu le droit au respect du domicile et le droit au respect de la vie privée et familiale. « L’obligation d’évacuer leur abri de fortune constituant une ingérence dans ces droits qui apparaît en l’espèce disproportionnée par rapport au droit des propriétaires de jouir de leur bien et ne manquerait pas de produire des résultats catastrophiques sur le plan sanitaire et de la sécurité de ces personnes ; en effet, il ne faut pas négliger que les personnes ainsi exilées sont en situation de détresse et particulièrement vulnérables de par leur parcours migratoire long et semé d’épreuves et d’embûches, les incertitudes sur l’aboutissement de leurs projets d’avenir et la grande précarité de leurs conditions de vie ». Le juge rejette ainsi la demande d’expulsion.

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